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Le bilinguisme et le multilinguisme précoces : un atout, pas un frein

Grandir avec plusieurs langues ne crée pas de confusion : c’est une richesse. Les études montrent que le cerveau bilingue est plus flexible, attentif et créatif. Cet article démonte le mythe du “retard” linguistique et célèbre la force du plurilinguisme.


Le bilinguisme ou le multilinguisme précoce ne causent pas de retards cognitifs ou langagiers, contrairement à un certain mythe qu’on tend aujourd’hui à déconstruire. Aucune étude psycholinguistique n’a pu prouver une corrélation entre le fait de parler plusieurs langues et un retard chez l’enfant.

Bien au contraire, plusieurs travaux scientifiques démontrent que la maîtrise de deux langues ou plus dès un jeune âge offre de nombreux avantages neuronaux et sociaux, sans altérer le développement global de l’enfant. Une étude de Nayr Ibrahim (2015, British Council France) a notamment déconstruit l’idée d’un retard du langage chez les enfants bilingues. Des décennies de recherches ont confirmé qu’il n’existe aucun lien de cause à effet entre le multilinguisme et un développement linguistique tardif.

Un enfant bilingue franchit les mêmes étapes linguistiques qu’un enfant monolingue. Bien que certaines personnes tentent de justifier un éventuel retard ou une forme de dyslexie qui apparaîtraient plus souvent chez les enfants plurilingues, les statistiques prouvent que la proportion de dyslexie est tout aussi similaire chez les enfants monolingues : il n’y a donc aucune corrélation entre multilinguisme et dyslexie.

De même, apprendre à lire et à écrire dans deux langues ne crée pas de surcharge. Les programmes d’immersion bilingue ont prouvé qu’aucune maîtrise ne doit précéder l’autre pour que les langues se développent harmonieusement. Lire dans une langue, parler dans deux autres, écrire dans une troisième : les enfants sont parfaitement capables de naviguer entre ces codes, à condition d’être accompagnés avec cohérence et bienveillance.

Certains argumentent aussi que le bilinguisme ou le multilinguisme peut causer des troubles identitaires. Cela a conduit plusieurs familles en France à mettre de côté leur langue d’origine pour n’enseigner que le français, dans l’idée que l’enfant s’intègrerait mieux à la culture française. Cette pratique n’est pas recommandée par les linguistes, car apprendre plusieurs langues renforce, au contraire, le rapport de l’enfant à son identité. L’absence d’une langue ne réduit en rien le sentiment d’appartenance culturelle : celui-ci découle surtout du contexte familial, social et émotionnel, pas uniquement de la langue parlée.

Selon une étude de la Fédération Nationale des Orthophonistes (Allo-Ortho, 2019), le bilinguisme ne provoque aucun retard de langage ni de trouble particulier. Les recherches scientifiques montrent que les étapes de développement linguistique sont identiques chez les enfants monolingues et plurilingues. Si un enfant bilingue présente un retard de langage, ce n’est pas dû à son bilinguisme, mais à des facteurs extérieurs : une exposition linguistique insuffisante, un trouble auditif non diagnostiqué, ou encore un environnement peu stimulant sur le plan verbal.

En réalité, les causes d’un retard de langage sont majoritairement d’ordre neurodéveloppemental, sensoriel ou contextuel. Cela peut inclure un trouble développemental du langage (TDL), un trouble du spectre de l’autisme, une déficience intellectuelle, une perte auditive, ou encore un trouble moteur de la parole comme la dyspraxie verbale. D’autres facteurs, comme une surexposition aux écrans ou des carences affectives, peuvent également freiner le développement langagier. Le bilinguisme, lui, n’est jamais en soi la cause d’un retard mais croire qu’il l’est peut retarder la reconnaissance d’un trouble réel qui, lui, mérite un accompagnement précoce.

Autre idée reçue à écarter : les enfants bilingues ne commencent pas à parler plus tard que les monolingues. Il a été prouvé par Annick De Houwer et Marline Pascal (adaptation française, 2021, Réseau pour un bilinguisme harmonieux) qu’aucune preuve ne démontre un tel lien. Un enfant qui parle plus tard n’est pas “en retard” à cause du bilinguisme, mais simplement parce que chaque enfant suit son propre rythme. La variabilité individuelle existe : certains enfants parlent tôt, d’autres plus tard. Ce n’est pas une question de langues, mais de stimulation verbale, intellectuelle et expressive.

Un enfant exposé à des discours riches, variés et accessibles dès le plus jeune âge développera plus rapidement ses compétences langagières, qu’il soit monolingue ou bilingue. Les véritables causes de retard de parole sont souvent auditives ou environnementales, non linguistiques.

Une synthèse du Conseil scientifique de l’éducation nationale (2025) intitulée Avoir deux langues et plus à l’école maternelle et élémentaire affirme que le bilinguisme enfantin ne cause aucun retard langagier, quel que soit le couple ou le nombre de langues parlées. Les étapes et le calendrier d’acquisition du langage restent identiques.

Ceci s’explique par le fait que l’expérience d’apprentissage est simplement répartie entre deux langues. Les enfants bilingues apprennent le même nombre de mots que les monolingues, mais ces mots se répartissent dans deux ou trois langues. Avec le temps et un accompagnement adéquat, ils atteignent le même niveau de compétence globale.

Les jeunes enfants ont une capacité de mémorisation limitée à un certain nombre de mots : ces mots se divisent naturellement entre les langues apprises. Plus tard, en grandissant, leur capacité de mémorisation augmente et la répartition entre plusieurs langues ne crée aucun retard. Qu’un enfant de deux ans connaisse cinq mots en français ou trois en français et deux en anglais revient au même : la compétence linguistique totale est identique.

Les bénéfices cognitifs du bilinguisme précoce

Pour contrer ces idées reçues, il est essentiel de présenter les bénéfices cognitifs du bilinguisme précoce. Anaïs Prescott (2025), dans un article de vulgarisation publié sur Monceau Langues, met en avant les découvertes neuroscientifiques et psycholinguistiques sur le cerveau bilingue.

Le fait de parler deux langues est un véritable entraînement mental. Le cerveau bilingue jongle en permanence entre deux systèmes linguistiques, ce qui améliore la flexibilité cognitive. En pratique, cela signifie que les bilingues sont souvent plus aptes à passer rapidement d’une tâche à une autre, à gérer plusieurs informations simultanément et à résoudre des problèmes complexes sous pression.

Ces aptitudes relèvent des fonctions exécutives du cerveau, souvent plus développées chez les enfants bilingues, plurilingues ou polyglottes. Cette agilité cognitive découle de l’entraînement constant à adopter plusieurs perspectives pour comprendre et s’exprimer. Une langue, c’est une manière de penser. Deux langues, c’est deux manières de percevoir le monde. C’est, littéralement, réfléchir de deux manières différentes (ou plus).

Le bilinguisme stimule également la mémoire, la concentration et peut avoir des effets protecteurs contre le déclin cognitif lié à l’âge, comme la maladie d’Alzheimer ou la démence.

Somme toute, le bilinguisme ou le multilinguisme précoce favorise des performances plus élevées, encourage la résilience, stimule l’agilité et la flexibilité neuronale tout en donnant accès à plusieurs cultures et visions du monde.

Témoignage personnel

En tant que linguiste polyglotte, ayant grandi trilingue et ayant appris plus tard à l’âge adulte d’autres langues, je peux témoigner par expérience : grandir avec plusieurs langues a façonné ma manière d’être au monde. C’est comme si mon cerveau avait appris très tôt à danser entre les codes, les sons, les cultures. Aujourd’hui encore, je passe d’une langue à une autre en une fraction de seconde, sans effort. Et cette agilité linguistique est devenue une agilité de vie.

Je réagis vite, je m’adapte vite. Peu importe où je me trouve, un pays, une conversation, une situation imprévue, je trouve mes repères. C’est ça, le cadeau du plurilinguisme : cette capacité à s’ajuster sans se perdre, à changer de perspective sans se trahir. Apprendre plusieurs langues dès l’enfance ne m’a pas “perturbée”, ça m’a préparée. À la complexité, à la différence, au monde.

Alors si vous hésitez à parler plusieurs langues à vos enfants, n’ayez pas peur de leur en donner trop. Vous leur donnerez surtout une longueur d’avance : celle d’un esprit souple, curieux et prêt à comprendre avant de juger.


About the author

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Cheyma Rahmeni

As the founder and CEO of Polydioms, Cheyma Rahmeni stands out as an accomplished linguist with over a decade of experience in language teaching, translation, and consulting within the dynamic field of multilingualism. Proficient in more than 5 languages, Cheyma is driven by an unwavering passion for language learning and a deep understanding of its multiple benefits. Graduating from the Sorbonne University in Paris with a degree in linguistics, Cheyma seamlessly integrated her academic foundation with practical experience, earning a Masters in International Trade and Marketing. Her holistic approach forms the bedrock of her language education philosophy. Cheyma has not only left an indelible mark in guiding numerous individuals to fluency in French, English, and Arabic but has also actively contributed to the linguistic development of multicultural children, fostering a profound appreciation for language and cultural understanding. As the visionary behind Polydioms, Cheyma brings a unique approach to language learning. Her methodology is interactive, well-constructed, and efficient, reflecting her commitment to making language education accessible and enjoyable. Connect with Cheyma for insightful discussions, questions, or personalized language assistance, as she continues to shape the landscape of language education.